Au musée, toucher [avec les yeux] la croûte d'une comète par la photographie
Bulles d’air figées dans la glace, lignes ondulées que forment les strates des White Mountains aux USA, méandres dessinés au cœur de certaines des plus anciennes formations rocheuses de notre planète, en Australie: la nature a horreur de la ligne droite et ce, depuis 3,5 milliards d’années.
La palette chromatique de l’infiniment petit peut quant à elle opposer à la froideur du bleu la chaleur et le rayonnement d’ocres, de jaunes foncés, d’oranges et même de rouge-brun grâce à l’activité de certaines algues qui recouvrent les structures rocheuses en Engadine.
«Bernd Nicolaisen travaille», explique Valentine Reymond, «ses prises de vues avec de longs temps de pause et porte une attention particulière à la distribution naturelle de la lumière, n’ayant jamais recours à un éclairage artificiel ou à la retouche.»
Des photos en 3D
La série Inside out white mountains propose une impressionnante série de photographies d’écorce de pins de montagne, arbres quatre fois millénaires poussant dans la Sierra Nevada.
Courbes, plis, rides, impacts de foudre forment un nouveau paysage auquel l’artiste ajoute du volume par un savant travail sur le négatif (transformé en 3D) puis transposé en reliefs d’albâtre sur aluminium.
Plus magistrale encore, la grande photographie intitulée Comet in deep space, Chury out of Horizon – ESA/ Rosetta Mission, # 202 renvoie une image inédite de la comète Churyumov-Gerasimenko située à plus de 400 millions de km de la terre.
Si la sonde européenne Rosetta a dévoilé sa forme étrange qui la fait ressembler à un os rongé et livré la composition de ce très sombre objet céleste, à savoir sous-sols poreux, geysers de gaz et de poussière, failles géantes, petites dunes, Nicolaisen l’a, quant à lui, imaginé sous la forme d’une «maquette».
Il faut un peu de temps et de patience pour se plonger dans le volume proposé… par une photographie. De la même manière que les astrophysiciens pensent que la surface de la comète est recouverte de sable et de poussière redéposés, retombés, l’artiste a travaillé en 3D, figeant divers pigments et autres poudres minérales afin d’initier un relief.
Très poreux, ce dernier ressemble à une pierre ponce qui serait recouverte de cils. Rien que pour vos yeux!
Bernd Nicolaisen / Amedeo Baumgartner, Musée jurassien des Arts, Moutier. Jusqu’au 26 mai.