Les couples de cigognes ajoulotes à l’épreuve du mauvais temps

En Ajoie, 54 couples de cigognes nichent cette année, ce qui est exceptionnel. L’incubation des œufs pourrait toutefois être mise à mal par le mauvais temps de ce printemps.
La cigogne « Porrentruy » surveille ses trois poussins sur son nid à Hagenah, dans le nord de l'Allemagne.
La cigogne « Porrentruy » surveille ses trois poussins sur son nid à Hagenah, dans le nord de l'Allemagne.

La cigogne "Porrentruy" surveille ses trois poussins sur son nid à Hagenah, dans le nord de l’Allemagne. La photo a été prise en 2022, lors de sa deuxième nidification réussie.

Michel Juillard

Josué Merçay
Josué Merçay
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Les cigognes ajoulotes, de nouveau nombreuses cette année, sont en train de couver leurs œufs, promesse de belles nichées. Mais le froid et l’humidité pourraient venir gâcher la fête. "Durant l’incubation, les œufs doivent rester à une température située entre 38 et 40 degrés, sinon les embryons meurent", explique le biologiste Michel Juillard en précisant que la baisse de température dans le nid survient lorsque les adultes doivent le quitter pour aller se nourrir. Et le froid ne leur rend pas la tâche facile.

Le foin et les mottes d’herbe qui garnissent les nids gardent aussi bien le chaud que le froid et l’humidité, ajoute Michel Juillard. Or, les nids se mouillent et le froid se diffuse par le dessous. Dans ces conditions, de la perte est possible, mais pas certaine, précise le biologiste. Ne reste qu’à laisser faire la nature.

Expansion artificielle

Disparue de nos paysages dans les années 1950, la cigogne est aujourd’hui en expansion, mais une expansion artificielle. En Suisse, 1028 couples nicheurs ont été répertoriés cette année, dont 54 en Ajoie, soit un de plus qu’en 2023, indique Michel Juillard en soulignant que ce nombre est exceptionnel.

"Les cigognes trouvent de la nourriture en abondance dans des décharges qui remplissent des vallées entières, comme à Pinto, au sud de Madrid. Quand les Espagnols brûleront leurs déchets, les populations vont s’effondrer."

"Le 90% des individus ne migrent plus jusqu’en Afrique subsaharienne, mais reste en Espagne et au Portugal, poursuit-il. Les cigognes y trouvent du chaud, de l’eau et surtout de la nourriture en abondance dans des décharges qui remplissent des vallées entières, comme à Pinto, au sud de Madrid. Quand les Espagnols brûleront leurs déchets, les populations vont s’effondrer." En Ajoie, les cigognes se dispersent dans un rayon de 40 kilomètres environ pour trouver de la nourriture, fait encore savoir le biologiste en citant le val Terbi, le plateau de Maîche et l’Alsace, où "elles entretiennent des relations soutenues" avec leurs cousines.

Comportement influencé par le réchauffement

Avec le réchauffement climatique, elles sont également toujours plus nombreuses à rester sous nos latitudes durant l’hiver, et ce particulièrement dans la vallée du Rhin. Entre 300 et 400 individus y ont été recensés, note le biologiste de Miécourt. En Ajoie, elles sont quatre ou cinq à être restées cette année.

Les électrocutions de plus en plus rares

Il souligne également qu’aucune perte n’est à déplorer cette année en Ajoie. Il arrive que les cigognes chargées de branches pour construire leur nid soient percutées par des voitures. Mais c’est surtout l’électrocution qui les décime en Europe. En Suisse, l’entreprise BKW a pris des mesures depuis cinq ans (sécurisation des interrupteurs de courant sur les poteaux électriques et mise sous terre de certaines lignes), salue Michel Juillard. "La mortalité est aujourd’hui très faible. Ça marche bien, surtout lors de la migration. L’entreprise, sous l’impulsion de Christophe Günter, a probablement investi plusieurs centaines de milliers de francs dans ce projet en Suisse."

La cigogne "Porrentruy" a retrouvé son nid

La cigogne Porrentruy a retrouvé son nid le 16 février à Hagenah, dans le nord de l’Allemagne, indique Michel Juillard. L’animal, qui aura sept ans ce printemps, revient dans cette région depuis 2020. Son retour a été constaté par l’ornithologue allemand Gert Dams. Depuis 2022, sa balise n’émet plus durant quelques semaines l’hiver, probablement en raison de la baisse de luminosité et du froid, puisqu’elle est alimentée par un capteur solaire. La recharge prend donc davantage de temps et lorsqu’elle émet à nouveau, il n’y a plus qu’une impulsion journalière au lieu de trois, relève encore Michel Juillard.

Le dispositif, posé à sa naissance, dérange la cigogne, reconnaît-il, mais elle s’adapte. "On n’a pas observé de comportements anormaux. Si on en avait vus, on aurait arrêté depuis longtemps de poser des balises." En Suisse, cinq cigognes sont équipées de ce type d’appareils, qui pèsent une vingtaine de grammes (les cigognes pèsent environ deux kilos). Quant aux plus petits oiseaux, des émetteurs très légers sont collés sur les plumes et disparaissent lorsqu’elles tombent, mais la pratique est très rare, note le biologiste.

"Il faut un but scientifique majeur et les autorisations sont délivrées au compte-goutte par l’Office vétérinaire fédéral." Couplées au bagage, les balises ont permis de définir les couloirs aériens empruntés par les oiseaux migrateurs et d’adapter ceux de l’aviation, relève Michel Juillard. Des zones de protection, où l’implantation d’éoliennes a été interdite, ont également été établies.

Les colonies de cigognes en Ajoie

31
Le nombre de nids de la colonie de Porrentruy, située au lieu-dit Sur Entier, qui surplombe la zone industrielle de la Roche-de-Mars. Trois autres couples sont installés en ville (deux chez des particuliers et un à l’étang Corbat).

16
Le nombre de nids à Damphreux (onze à la Chèvre-Morte, deux aux étangs, deux sur l’église et un dans une propriété privée.)

4
Le nombre de couples isolés: un à Alle, un à Cœuve, un à Bonfol et le dernier à Courtemaîche.

Le Quotidien Jurassien

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