À la découverte des sacrés noms de lieu romands: Les Enfers
"J’ai entendu parler d’un médecin, interné dans le camp, qui soignait autant les réfugiés que les habitants."
De belles histoires naissent de la proximité entre les réfugiés et la population locale. Alors domicilié dans la commune, Robert Péquignot entretient de bons contacts avec des internés français du camp.
Un dénommé Leroy était notamment en contact avec la résistance sur le territoire occupé par les Allemands. "Lors d’un parachutage britannique destiné à ce groupe de résistants, des armes tombèrent par erreur sur territoire suisse, et furent récupérées par Robert Péquignot et son frère, qui les cachèrent aux alentours de leur habitation, avec l’aide de leur cousin de Montfaucon, Germain Maillard", rapporte Claude Hauser.
Hommage sous forme de plaquette
"J’ai entendu parler d’un médecin, interné dans le camp. Il soignait autant les réfugiés que les habitants du village", se souvient aussi Marie-Thérèse Poupon alors que les nappes de brume longent les forêts des crêtes alentour. Il s’agit du Docteur Israël Teitel, "juif originaire de Turin", lit-on dans l’ouvrage de l’historien.
Soignée par le médecin, Louise Brahier, habitante de la localité à l’époque, tisse une amitié forte avec le scientifique au point de l’accueillir avec sa femme dans sa maison jusqu’à la fin de guerre. La générosité de Louise Brahier est même allée jusqu’à accueillir le neveu du docteur. "Certains anciens internés sont revenus aux Enfers par la suite et une plaque leur rend hommage à l’église de Montfaucon", complète Bernard Brahier.
Marie-Thérèse Poupon raconte enfin une dernière anecdote surprenante sur le village: la cloche de l’oratoire. "Au moment du Kulturkampf, en 1870, les protestants voulaient s’imposer face aux catholiques. Ils fondaient les cloches pour fabriquer des armes. Celle de l’oratoire a été enterrée dans la région, installée sur l’école de Montfaucon et surplombe à présent Les Enfers."
Un autre hameau jurassien détonne par son nom en Ajoie: Le Paradis. Proche de Bure, le lieu-dit était notamment un passage important pour la contrebande de victuailles et de tabac durant la Seconde Guerre mondiale. S’y trouve ainsi un Sentier des passeurs, témoignant d’une époque révolue.
La bande à Baader
L’endroit se trouve, par un hasard cocasse, à la croisée des rues de L’Enfer et du Purgatoire. À quelques encablures seulement de la France, les paysans de la zone ont par exemple permis à des personnes fuyant la zone occupée de transiter par ce chemin. C’était une route clandestine vers un pays libre.
L’endroit a également vu passer plus tard la bande à Baader, organisation terroriste d’extrême gauche, qui a opéré en Allemagne de l’Ouest entre 1968 et 1998. Ses membres ont été les auteurs de fusillades à la douane voisine de Fahy en 1977.
Le Paradis est aussi connu pour avoir été, selon les croyances populaires, un carrefour de sorcières.