En situation délicate, le bio face à des questions fondamentales dans le Jura

Faut-il poser des exigences élevées aux produits bio? Ou au contraire, les assouplir pour rendre les aliments plus accessibles? Face aux difficultés, la filière dans le Jura se questionne.
Le responsable de la ferme Gilles Berger, cultive des plantons a la ferme biologique de "Rovereaz" lors de la pandemie de Coronavirus (Covid-19) le samedi 18 avril 2020 a Lausanne. (KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)
Le responsable de la ferme Gilles Berger, cultive des plantons a la ferme biologique de "Rovereaz" lors de la pandemie de Coronavirus (Covid-19) le samedi 18 avril 2020 a Lausanne. (KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)

L’agriculture bio se questionne.

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Benjamin Fleury
Benjamin Fleury
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La filière agricole bio fait face à des défis importants. En ce moment, certains marchés s’avèrent moroses, ont fait savoir les responsables de Bio Jura, lors de l’assemblée générale de la faîtière en début de semaine à Saules. C’est par exemple le cas de la viande de bœuf et des œufs qui enregistrent une surproduction. Du côté du porc, les prévisions ne sont pas bonnes, tandis que la production de lait affiche une stabilité.

"Oui, la situation est un peu difficile. Ce n’est pas l’euphorie, mais on parvient quand même toujours à tirer notre épingle du jeu", assure Joan Studer, coprésident, avec Vincent Schmitt, de l’association active dans le canton du Jura et le Jura bernois.

Des produits bio importés qui posent question

Pour le premier, exploitant de Mont-Lucelle, la demande reste globalement importante. Certains marchés sont toujours porteurs, comme le poulet, les céréales panifiables, le colza ou encore la betterave sucrière, complète Romain Beuret, membre du comité. Dans le canton du Jura, de bonnes nouvelles pointent d’ailleurs à l’horizon et notamment le fait que les cantines scolaires du CEJEF devront s’approvisionner en produits bio à un taux de 25%. "Le potentiel est énorme", se réjouit Joan Studer.

Face à la situation globalement délicate, la stratégie des grands distributeurs suscitent bien des questions chez les producteurs qui respectent le cahier des charges de Bio Suisse. Plusieurs exploitants ont pointé Coop, suite à sa décision d’introduire une nouvelle ligne d’œufs bio issus de l’importation. "On risque de perdre des parts de marché", avertit Romain Beuret.

Du côté des chiffres, Bio Jura a recensé 10 nouveaux membres l’an passé, pour cinq résiliations. Au niveau du nombre d’exploitations, l’agriculture biologique a connu une stabilité l’an passé dans le canton du Jura. Elles sont toujours 202 à porter le label. Pour la filière, l’inflation et les choix alimentaires apparaissent comme un véritable défi.

Viser l’excellence ou un produit accessible?

À ce propos, les exigences posées par Bio Suisse sont source de débat. Responsable de l’antenne romande de l’association Pascal Olivier a reconnu que certains exploitants avaient renoncé au bio à cause des exigences trop importantes. Il est d’ailleurs possible que l’association nationale lâche prochainement du lest à propos de certains critères. Ce pourrait être le cas de l’obligation de fournir aux ruminants exclusivement du fourrage indigène et bio. Les délégués de Bio Suisse discuteront en effet lors de leur prochaine assemblée une proposition des Grisons pour permettre, dans certains cas, d’importer du fourrage portant le bourgeon européen, ce qui faciliterait les choses lors des sécheresses.

En ce moment, toute la faîtière du bio n’échappe pas à certaines questions fondamentales. Alors que le cahier des charges de Bio Suisse s’est progressivement durci au fil des années et s’est éloigné du cadre minimal fédéral, l’agriculture biologique fait face à un dilemme, reconnaît Romain Beuret, exploitant à Courchapoix et délégué au plan suisse Selon lui, la filière aura à se déterminer si elle continue de viser un produit d’excellence, en prenant le risque de renchérir les coûts, de perdre des clients et de décourager les producteurs, ou si au contraire elle se réoriente vers un "bio plus pragmatique" et plus accessible. "On discute de cette stratégie", précise-t-il.

Révolte agricole: de la sympathie, mais…

Les membres de Bio Jura ont exprimé de la sympathie vis-à-vis de la révolte agricole. Bio Suisse a d’ailleurs signé la pétition portée par l’Union suisse des paysans qui revendique des meilleurs prix, une simplification administrative et une meilleure reconnaissance du milieu agricole, fait savoir Joan Studer.

Pourtant, certains exploitants ont fait part de leur regret quant à certains slogans diffusés qui s’en prennent frontalement à l’écologie. La filière reste évidemment très attachée à l’environnement. Cela se ressent aussi concernant la prochaine votation en septembre sur l’initiative "biodiversité".

S’inquiétant de la crise de la biodiversité, plusieurs membres ont voulu connaître la position de Bio Jura. Mais le comité n’a pas encore pris le temps de se déterminer, a-t-il fait savoir.

Le Quotidien Jurassien

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