Il y a 50 ans, un train déraillait à Choindez: trois morts

C’est une catastrophe ferroviaire comme le Jura n’en avait jamais connu et n’en a pas connu depuis. Il y a un demi-siècle jour pour jour, un wagon s’écrase contre la paroi du tunnel de Choindez, faisant trente victimes, dont trois fatales. Deux témoins se souviennent.
Catastrophe ferroviaire, accident de train du mardi 26.3.1974 à Choindez.
Catastrophe ferroviaire, accident de train du mardi 26.3.1974 à Choindez.

Le wagon-restaurant du train international Hispania Express s’est plié en deux contre le montant du tunnel des Esserteux, en aval de Choindez.

© BIST/Archives

Thomas Le Meur
Thomas Le Meur
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Mardi 26 mars 1974. Comme tous les mardis matin, Chantal Gafner, 16 ans, lycéenne à l’école Benedict de Bienne, prend le train pour rentrer à Delémont. «Je chindais le cours d’anglais, car les langues, ce n’était pas mon fort», sourit celle qui porte aujourd’hui le nom de famille Jaussi. Comme d’habitude, elle monte dans l’Hispania Express, qui relie Portbou, à la frontière franco-espagnole, à Hambourg en Allemagne, en passant par Genève, Bienne, Delémont et Bâle. Un temps où les avions n’avaient pas encore taillé des croupières à ces grands trajets internationaux.

«Mon plaisir du mardi était d’aller siroter un café au wagon-restaurant. Mais ce matin-là, il me manquait 50 centimes. Renonçant à mon café, je suis restée dans la voiture à côté», se souvient la Delémontaine. Qu’importe: l’arrivée est proche, le train vient de dépasser l’usine de Choindez.

Chantal Jaussi, de Delémont, était dans le train lors de la catastrophe ferroviaire, l'accident de train du mardi 26.3.1974 à Choindez.

Chantal Jaussi, passagère miraculeusement rescapée.

Tout bascule à 10 h 13 dans un fracas épouvantable. Le train s’immobilise violemment, passant instantanément de 60 km/h à zéro. Les passagers tombent comme des quilles au milieu d’un ouragan de bagages. Un câble électrique arraché vient fouetter la fenêtre.

Un kilomètre plus tôt, le train a traversé à vitesse réduite une zone de travaux. Et un aiguillage en réparation a brusquement changé de position au passage du wagon-restaurant. Il s’est retrouvé avec un boggie – le chariot portant les roues – sur une voie, et l’autre sur la voie parallèle à 4,5 m. Le wagon-restaurant avance donc de biais, sur deux voies, tirant derrière lui les quatre dernières voitures. Personne ne s’aperçoit du danger, le signal d’alarme n’est pas tiré.

Même de guingois, le train passe sans encombre le tunnel à la sortie de Choindez, une voûte unique pour la double voie. Mais il reste une dernière barre rocheuse avant la vallée, et là, chaque voie emprunte son propre tunnel. Le choc est fatidique. Et c’est le wagon-restaurant qui l’encaisse: il vient s’encastrer contre la paroi, se plier en deux dans un maelström de métal et de verre.

La locomotive de la fonderie Von Roll a été réquisitionnée pour évacuer les malheureuses victimes vers l’usine.
Visages graves alors qu’on évacue les malheureuses victimes.

L’usine à la rescousse

Entendant ce bruit de fin du monde, les ouvriers de la fonderie accourent immédiatement sur les lieux du drame. Etienne Crelier, 30 ans à l’époque, est officier du corps de pompe de l’usine Von Roll. «Mais il n’y avait pas d’incendie, se souvient le pompier, juste un enchevêtrement indescriptible. Quelqu’un avait été éjecté dans le porte-bagages, il a fallu le décrocher de là-haut. Dans le wagon-restaurant, à l’approche de midi, on préparait des vol-au-vent. La sauce a volé partout. Je me souviens encore aujourd’hui de cette odeur, terrible.»

«C’est un petit miracle que l’on ait pu évacuer les occupants sans que tout bascule.»

Juste derrière la voiture fracassée, un wagon-lit rempli d’une classe de petits Français menace de tomber dans la rivière, quinze mètres plus bas. «C’est un petit miracle que l’on ait pu évacuer les occupants sans que tout bascule», soupire Etienne Crelier.

La catastrophe fait trois morts, un Suisse allemand et deux Allemands, tous occupants du wagon-restaurant, et 27 blessés, les plus graves eux aussi dans cette même voiture.

Pour 50 centimes manquants, Chantal Jaussi n’y était pas, elle, dans ce wagon. «J’ai eu une chance divine. J’ai senti que j’étais extrêmement protégée.» Une pièce en moins qui pourtant lui fut porte-bonheur.

Portrait express: Etienne Crelier

80 ans, de Courrendlin, ancien fondeur et pompier de l’usine vonRoll de Choindez

Né à Corban en 1943, Etienne Crelier déménage à Courrendlin avec sa famille neuf ans plus tard. Il fait ses premières armes de mécanicien ajusteur chez vonRoll à Choindez, fonderie dans laquelle il travaillera durant 47 ans. Il y montera les échelons jusqu’à devenir contremaître responsable de la fusion, ainsi qu’officier de la pompe de l’usine. 

Grand sportif, il joue au football à Courrendlin et Delémont pendant 20 ans, et encore 20 autres années comme hockeyeur. Marié depuis 58 ans, papa de trois enfants et grand-papa six fois, il a encore un souvenir très vif de l’accident de train survenu il y a 50 ans à côté de l’usine de Choindez, où il était parmi les premiers intervenants.

Le Quotidien Jurassien

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