Le loup désormais présumé coupable

Le Conseil fédéral change de paradigme dans la gestion du loup. Dès le 1er décembre, les cantons peuvent demander l’autorisation de tirs préventifs. De 31 meutes aujourd’hui, il pourrait n’en rester que douze.
Schafe weiden auf ihrer Hochsoemmerung bei garstiger Witterung vor der Hirtenhuette auf dem Guschasattel auf ueber 2000 Meter ueber Meer oberhalb Maienfeld, aufgenommen am Montag, 25. Juli 2011. Regen, Schnee und tiefe Temperaturen begleiten die 1500 Schafe umfassende Herde auf ihren Hochweiden rund um den Falknis ueber der Buendner Herrschaft. (KEYSTONE/Arno Balzarini)
Schafe weiden auf ihrer Hochsoemmerung bei garstiger Witterung vor der Hirtenhuette auf dem Guschasattel auf ueber 2000 Meter ueber Meer oberhalb Maienfeld, aufgenommen am Montag, 25. Juli 2011. Regen, Schnee und tiefe Temperaturen begleiten die 1500 Schafe umfassende Herde auf ihren Hochweiden rund um den Falknis ueber der Buendner Herrschaft. (KEYSTONE/Arno Balzarini)

Les attaques sur les animaux de rente sont passées de 446 en 2019 à 1480 en 2022.

© KEYSTONE

Guillaume Chillier, La Liberté
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Albert Rösti dégaine plus vite que son ombre car c’est urgent: dans les cantons, les gardes-chasse doivent vite sortir les fusils et diminuer le nombre de loups dans le pays. Même ceux qui n’ont pas fait de dégâts sont dans leur viseur. "La croissance de la population de loups est exponentielle et ça va continuer si nous ne prenons pas de mesure", avertit le conseiller fédéral hier face à la presse. Les défenseurs du pastoralisme applaudissent; les protecteurs des animaux s’étranglent.

Au dernier pointage, 32 meutes ont été observées en Suisse pour environ 300 individus, trois fois plus qu’en 2020. Les attaques sur les animaux de rente elles sont passées de 446 en 2019 à 1480 en 2022. Le loup reste protégé dans le pays, mais les modifications annoncées de la loi sur la chasse et son ordonnance évoquent désormais un nombre de meutes minimal fixé à 12. Décidés dans l’urgence, les changements entrent en vigueur le 1er décembre et jusqu’au 31 janvier 2025. D’ici là, de nouvelles modifications sont attendues.

Décidés dans l’urgence, les changements entrent en vigueur le 1er décembre et jusqu’au 31 janvier 2025.

Ce changement de paradigme est brusque et radical. Pour la première fois depuis l’éradication du loup en Suisse vers la fin du XIXe siècle, les canidés pourraient être présumés coupables et tirés de manière préventive. Dès le mois prochain, les cantons pourront demander des autorisations de tir préventif à l’administration. Pour les obtenir, ils devront prouver la plausibilité qu’un incident se produise. Sur les troupeaux, sur la population d’autres animaux sauvages ou sur l’homme si le loup n’en a plus peur. "Je ne veux pas d’une situation où l’homme est mis en danger", confie Albert Rösti.

Dossier émotionnel

Pouvoir tirer préventivement en automne et en hiver est juste, selon Pierre-André Page. "La neige va tomber, les animaux de rente vont quitter les alpages, les loups auront faim et vont se rapprocher des villages", raconte le conseiller national UDC. Selon lui, l’annonce d’Albert Rösti va dans la bonne direction. "Pouvoir réguler le loup avant les attaques, c’est une décision très importante. Il faut agir avant qu’il y ait de nouveaux pépins". Désormais, Pierre-André Page espère que les cantons "prendront leurs responsabilités". Vrai qu’avec l’annonce du jour, Albert Rösti répond aussi aux critiques de ces derniers, qui ont souvent réclamé que la Confédération prenne des mesures. En Valais, Frédéric Favre salue "la prise de conscience de l’urgence par le Conseil fédéral". Le conseiller d’État espère rapidement une diminution des attaques sur les animaux de rente mais reste toutefois lucide: "Une diminution marquée des attaques prendra des années et les ressources que cela demandera seront importantes pour les premiers exercices. En raison du grand nombre de loups en Valais, nous comptons sur la collaboration de chasseurs formés".

Dans ce dossier particulièrement émotionnel, Albert Rösti doit jouer les équilibristes. Il doit d’un côté choyer les éleveurs qui voient leur troupeau toujours plus dévorer par les canidés. De l’autre, il doit respecter le droit et particulièrement la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage. Le conseiller fédéral reste dans les clous, mais a choisi de déplacer le curseur du côté des animaux de rente. De quoi apaiser les esprits? Pas vraiment… "Il y aura encore régulièrement des attaques de loup sur les animaux de rente, même s’il est plus fortement régulé. Et ce sera toujours dramatique quand un berger voit sa bête dévorée par un loup", craint Pierre-André Page. Il soupire: "Nous ne pourrons plus jamais laisser paître nos bêtes tranquillement."

"Pas de réflexion"

Pour les écologistes, le sujet est "trop" émotionnel et mériterait d’être abordé de manière plus sereine. "Si plus de 70% des loups sont tirés avec les décisions d’Albert Rösti, c’est énorme!" déplore Delphine Klopfenstein Broggini. Pour le coup, la conseillère nationale verte estime que le Conseil fédéral ne joue pas avec le bon bouton. "Ces annonces font fi des mesures de protection des troupeaux. Or dans les cantons qui ont mis en place de telles mesures, les attaques de loup ont chuté drastiquement.

Cela a été fait dans les Grisons et ça marche", souligne-t-elle. Et de dénoncer "de grandes lacunes": "Il n’y a pas de réflexion à long terme sur la cohabitation entre l’humain, ses activités et la nature sauvage".

Le Quotidien Jurassien

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