Un attentat contre un train, commis à Courtemaîche il y a 100 ans

Il y a tout juste 100 ans, un train de marchandises déraillait en arrivant en gare de Courtemaîche. L’auteur de ce qui s’est rapidement révélé comme un attentat n’a jamais été retrouvé.
Dasn le temps: Accident de train à Courtemaîche, en 1923.
Dasn le temps: Accident de train à Courtemaîche, en 1923.

Sur les 52 wagons que compte le convoi, huit sont complètement broyés sous la violence du choc.

Josué Merçay
Josué Merçay
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"On nous téléphone que le train de voyageurs-marchandises, qui doit arriver à Delémont à 22 h 40, a déraillé mardi soir près de la gare de Courtemaîche, venant de Delle." C’est en ces termes que Le Démocrate, dans son édition du 12 décembre 1923, fait état d’un spectaculaire accident survenu il y a juste 100 ans.

Dans son édition du lendemain, le quotidien ne fait plus mention de voyageurs. Au total, le convoi comportait 52 wagons. Sur ce nombre, huit seront complètement détruits. Trois blessés légers sont à déplorer: le mécanicien, le conducteur et le chauffeur, qui ont pu s’échapper de la locomotive en brisant une lucarne. Sans ça, ils auraient péri brûlés vifs "à cause d’un tuyau à vapeur qui a sauté."

Des dégâts pour 100'000 francs

Le soir du déraillement, le bruit court qu’il s’agit d’un attentat. L’information est confirmée le lendemain, une pièce maîtresse de l’aiguillage a été retirée de son logement. "On annonce que les premiers résultats de l’enquête laissent supposer que l’attentat était dirigé contre l’express de nuit Porrentruy-Delle (Loetschberg-Paris), auquel cas les conséquences auraient pu être très graves", relate Le Démocrate du 13 décembre. Cependant, la presse revient sur les motifs de cet acte malveillant le jour suivant. Le but aurait été de faire un maximum de dégâts, selon l’enquête de la police.

"Cet attentat a été conçu et exécuté avec un sang-froid extraordinaire."

Ceux-ci sont évalués à 100'000 francs par la Préfecture du district de Porrentruy, indique Le Démocrate du 14 décembre. Une coquette somme pour l’époque. Dans Le Confédéré du 17 décembre 1923, qui reprend une information du Démocrate, on apprend: "Cet attentat a été conçu et exécuté avec un sang-froid extraordinaire et son auteur avait même prévu le cas permettant le fonctionnement du signal lumineux, visible pour le chef de gare, mais empêchant cependant l’aiguille de se mettre en place pour laisser le passage normal du train. C’est le motif pour lequel l’employé de la gare de Courtemaîche ne s’est nullement douté de l’attentat qui avait été préparé avec soin."

Le même jour, les CFF publient une annonce dans la presse. Une récompense de 10'000 francs sera offerte "à la ou aux personnes qui fourniraient spontanément des renseignements amenant la découverte de l’auteur du déraillement." C’est qu’à ce moment de l’enquête, on pense peu probable que l’auteur ait eu besoin de complices.

Les chiens policiers gênés par les curieux

Les chiens policiers emmenés sur les lieux de l’accident n’ont pas permis de découvrir de nouveaux éléments, apprend-on par le biais du Pays du 13 décembre. Une foule de curieux ayant investi le site, les pistes sont brouillées.

Les éléments relevés par les enquêteurs montrent rapidement que l’auteur connaissait "parfaitement le service ferroviaire", peut-on lire dans Le Démocrate du 14 décembre. Aussi, les soupçons se portent rapidement sur d’anciens employés des CFF licenciés. Plusieurs tentatives de sabotage contre des installations ferroviaires en Ajoie sont signalées par la presse de l’époque, dont une en octobre de la même année. Mais d’après Le Pays du 13 décembre, deux ouvriers sur lesquels se portaient les soupçons ont été blanchis, leurs alibis étant solides.

Le 3 mars 1924, le public apprend que, l’enquête n’ayant pas abouti, elle est confiée au Département fédéral des chemins de fers suisse. Une deuxième hypothèse avait été prise en considération, signale Germain Bregnard dans son texte Attentat criminel, publié dans la brochure Un centenaire: la ligne Delémont-Delle 1877-1977.

La piste de l’attentat politique

Un train spécial de voyageurs, transportant des hauts dignitaires de la toute jeune République de Turquie, aurait dû emprunter la voie au moment où s’est produit l’attentat. Cent ans plus tard, on ne connaît toujours ni le mobile, ni l’artisan de cet attentat qui restera dans les annales ferroviaires du Jura.

Le Quotidien Jurassien

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