Il est des drames douloureux à expliquer tant la vérité peut diverger suivant le degré d’importance que l’on donne à une affaire. Il ne fait aucun doute que Rudolf Flükiger est décédé tragiquement, d’une mort violente, dans une forêt de Grandvillars (F) en 1977. Cela fait tout de même 47 ans. Aussi, je me mets à la place de la famille et je comprends sa douleur lorsqu’elle a appris la triste nouvelle comme quoi il très pénible de croire à la thèse que donnent les autorités militaires chargées d’annoncer une fin brutale.

Pourtant une enquête, sous la direction d’Arthur Hublard, alors juge d’instruction, a été faite correctement, tant par les gendarmes français que par la police suisse, ainsi qu’il en a fait part dans son article du Quotidien Jurassien du 14 mars 2024. Il a tout à fait raison lorsqu’il parle de rumeurs et d’amalgames propagés dans le public par des personnages, pourtant d’une certaine notoriété, qui y sont allés de leurs hypothèses fantaisistes, farfelues, gratuites, voire inquiétantes. Je n’y reviendrai pas, les explications ont toutes été données dans la tribune écrite par Arthur Hublard, lequel conclut qu’aucun élément probant ne permet d’affirmer qu’il n’y a pas eu suicide.

Une piètre protection

À l’époque, j’étais gendarme à Courrendlin et je me suis rendu sur place, à Grandvillars, le lendemain, en compagnie de collègues pour collaborer à l’enquête. Je dois dire que j’ai effectué mon école de recrues et de sous-officier à Losone où j’ai été formé en qualité de grenadier et que, par ailleurs, je suis détenteur du brevet d’emploi d’explosifs de la Confédération. C’est dire que c’est un domaine qui m’est familier. La perle de la grenade (ficelle de mise à feu) était encore sur les lieux lorsque je suis arrivé. Aussi je ne vois pas un tiers – fut-il téméraire – laisser sur place, la ficelle et la perle, destinées à l’allumage, compte tenu qu’il avait 5 à 6 secondes pour se mettre à l’abri. Pour moi il n’y avait pas de doute; ma conviction était acquise. Werner Schweizer, réalisateur du film, dans sa tribune du 21 mars, parle d’une souche d’arbre derrière laquelle il était possible de se mettre à l’abri? Piètre protection. Et pourquoi Rudolf Flükiger n’aurait-il pas choisi cet endroit pour disparaître à tout jamais, pensant que la souche allait le recouvrir au moment de l’explosion? N’oublions pas qu’il n’était plus porteur de son équipement.

Une conclusion logique

Je suis allé voir le film et je dois dire que, dans sa conception, celui-ci est tout à fait convenable; il m’a bien plu (surtout à mon épouse, de langue maternelle suisse allemande, qui pouvait faire fi du sous-titrage). Mais que d’inexactitudes, d’inepties… que viennent faire là-dedans les Béliers, l’affaire Rychen-Heusler, le merle blanc, la bande à Baader, la fusillade des douaniers à Fahy, etc., même le major Troyon de Genève qui donne son avis, peu convaincant d’ailleurs. Certes, à cette époque, dans les années 1977-1980, le Jura était très bouleversé par d’importants faits divers, mais qui ne sauraient être en relation avec l’affaire Flükiger. Toute cette spéculation imaginaire, illusoire, cet amalgame (pour reprendre le terme d’Arthur Hublard) ne fait qu’embrouiller les esprits jusqu’à rendre les gens indéniablement crédules. Évidemment, cela met du piment dans les conversations animées du café du commerce. Quoi qu’il en soit, personne n’a été témoin de ce drame, alors laissons la compétence aux enquêteurs de résoudre cette affaire en fonction des indices permettant d’arriver à une conclusion logique de ce malheureux événement.

Si la famille Flükiger avait admis d’emblée la funeste détermination de leur fils Rudolf, il ne serait plus question de ce malheur aujourd’hui.