La promotion des femmes dans les institutions, les partis, les associations et les entreprises est à l’ordre du jour depuis de nombreuses années. En l’espèce, il est fondé d’affirmer que le mouvement syndical montre l’exemple, en Suisse comme dans l’ensemble de l’Europe et aux États-Unis.

Direction d’Unia: femmes majoritaires

La récente nomination de la Jurassienne Valérie Boillat à la vice-présidence du Syndicat du personnel des transports (SEV) – poste déjà occupée par d’autres femmes – témoigne bien de cette évolution positive. Mais la reconnaissance du rôle des femmes est encore plus grande au sein d’Unia, présidé par une femme, Vania Alleva, depuis 2015. En outre, la majorité des membres de la direction du plus grand syndicat du pays (quatre sur sept) sont des femmes. Ah qu’il est loin le temps où Christiane Brunner, puis Fabienne Kuhn, siégeaient à côté de six hommes au comité directeur du syndicat FTMH, l’une des organisations fondatrices d’Unia. L’évolution est aussi manifeste au deuxième échelon de la hiérarchie, puisque sur les quinze secrétaires régionaux d’Unia, six sont des femmes. Cerise sur le gâteau, 80% des journalistes de l’Événement syndical, le journal francophone d’Unia, sont des femmes. De son côté, Léonore Porchet est vice-présidente de Travail. Suisse.

CGT, CFDT, IG Metall

La montée des femmes dans le mouvement syndical est aussi perceptible en Europe. Depuis 2023, les deux principaux syndicats français sont dirigés par une femme, la CFDT par Marylise Léon, la CGT par Sophie Binet. Mais l’élection la plus spectaculaire est celle de Christiane Brenner, devenue, le 23 octobre 2023, la première femme à diriger l’IG Metall depuis la création du syndicat allemand, il y a 132 ans. Une organisation qui, avec 2,14 millions de membres, est le plus puissant syndicat de branche du monde, couvrant des secteurs essentiels de la première économie européenne: automobile, machines-outils, électronique. "Dans le milieu très masculin de la métallurgie, note un commentateur de France 24, sa désignation, entérinée avec plus de 96% des voix lors du congrès du syndicat à Francfort, est une révolution." Avant elle, Yasmin Fahimi avait été élue, en mai 2022, à la présidence du DGB, la Confédération allemande des syndicats. De l’autre côté de la Manche, d’autres femmes ont aussi été récemment élues à la tête de syndicats: Sharon Graham (Unite) et Christina McAnea (Unison). En outre, Susanna Camusso a été durant plusieurs années secrétaire générale de la Confédération générale italienne du travail (CGIL), la plus importante organisation de salariés de la péninsule. De l’autre côté de l’Atlantique, Liz Shuler préside depuis 2021 l’AFL-CIO, la Confédération des syndicats américains.

Plus de place pour les idées féministes

Cette évolution tient notamment à l’augmentation de la part des femmes parmi les syndiqués. En 2023, la proportion des femmes au sein du syndicat Unia a atteint un nouveau record de 27,6%, ce qui reste toutefois insuffisant. À cela s’ajoutent les mesures statutaires permettant d’améliorer la représentativité des femmes. Ce qui conduit, selon l’économiste Rachel Silvera, à "casser l’image du moustachu comme leader syndical et de rendre le syndicat plus attractif pour les femmes". Allusion franco-française à Philippe Martinez, secrétaire sortant de la CGT. Le politologue Karel Yon ajoute qu’en France, la critique féministe a été décisive dans la mobilisation de 2023 contre la réforme des retraites. Celle-ci a en effet été possible, explique-t-il, "par le renouvellement d’un mouvement féministe autonome, plus sensible aux thèses matérialistes, dans le sillage de la grève féministe internationale, et par la pénétration de plus en plus nette des préoccupations féministes dans le monde syndical" (Le syndicalisme est politique, Éditions La Dispute).

L’exemple horloger

En Suisse, l’exemple de l’horlogerie, où près de la moitié des employés sont des femmes, exprime bien cette évolution. La convention collective de travail (CCT) de la branche a été la première à instaurer des dispositions préventives et répressives à propos du harcèlement moral et du harcèlement sexuel. Cette CCT prévoit un congé maternité de 18 semaines payé à 100%, alors que dans la législation, ledit congé se limite à 14 semaines payé à 80%. Enfin, c’est une horlogère, Liliane Valcesschini, qui avait soufflé à Christiane Brunner l’idée de la grève des femmes du 14 juin 1991. Celle-ci a contribué à renforcer le mouvement féministe jusqu’à nos jours, mais aussi la présence des femmes dans les syndicats. Cette progression des femmes est positive, mais il faudra qu’elle s’accompagne de mesures – semaine de 4 jours par exemple – permettant à toutes les travailleuses de consacrer davantage de temps au militantisme, mais aussi à la famille et aux activités sociales.