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- 06.02.2023

À la recherche de l'âme des maisons


Premier épisode - 06.02.2023

La Villa Dubail-Burrus, témoin de la Belle Époque à Porrentruy

On dit de certaines maisons qu’elles sont habitées par le souvenir de ceux qui l’ont occupée. Et, parfois, des passionnés grattent dans ce passé, y retrouvant des lambeaux d’histoire de ces demeures. Premier arrêt à la Villa Dubail-Burrus, qu’occupe la famille du Dr Froehlich.
Villa Dubail-Burrus à Porrentruy, propriété de la famille Froehlich et inscrite dans la liste Domus antika Helvetica
Villa Dubail-Burrus à Porrentruy, propriété de la famille Froehlich et inscrite dans la liste Domus antika Helvetica

La Villa Dubail-Burrus, construite par Jules Dubail et habitée aujourd'hui par la famille Froehlich

© LQJ

Quand Isabelle et Florian Froehlich ont racheté la Villa Dubail-Burrus en 1995, c’était le bon moment. La pluie commençait à y entrer, et l’on n’avait pratiquement pas fait de travaux depuis la construction en 1887. Mais la rénovation terminée, la famille Froehlich n’a eu de cesse de s’interroger, de se documenter et de faire des recherches sur cet imposant bâtiment d’inspiration baroque française. Jusqu’à mandater l’historien de l’art Adrien Noirjean pour fouiller là où l’on n’avait pas pensé à regarder. Et l’histoire s’est petit à petit tracée.

Des centaines de voitures

Entrepreneur dans l’âme, le Bruntrutain Jules Dubail est actif dans le commerce des métaux, l’horlogerie et l’industrie, à Porrentruy puis à Delle. Il épouse en 1872 la fille de François-Joseph Burrus, "le" FJ Burrus de Boncourt. Et les époux se construisent une splendide villa à Porrentruy. Cette nouvelle bourgeoisie fortunée veut alors marquer clairement, si possible grâce à la pierre, son ascension sociale.

Les recherches d’Adrien Noirjean ont permis de comprendre l’origine du promontoire sur lequel est posée la villa. Car Jules Dubail avait passé une annonce dans le journal Le Jura, cherchant du personnel pour conduire "quelques centaines de voitures de débris des carrières les plus proches". À l’époque, la maison doit se distinguer dans son environnement, un peu comme la maison construite à la même époque à Boncourt par François Burrus, beau-frère de Jules Dubail. Le bâtiment, qui est l’actuelle mairie, était entouré d’eau et on y accédait par un pont.

"Cherche des centaines de voitures pour ériger un promontoire, puis une villa.

Les maisons de maître de Porrentruy et Boncourt, et leurs écuries, se ressemblent beaucoup, ne serait-ce qu’à cause de leurs façades en molasse. C’est alors une rareté dans la région, rendue possible par l’arrivée du train. La proximité des styles s’explique par le fait que ce sont les mêmes architectes qui ont construit les villas, soit les frères bâlois Gustav et Julius Kelterborn. Adrien Noirjean a retrouvé les plans de construction de l’actuelle mairie dans les archives de Boncourt.

Le ferronnier Matt

Il y a deux ans, c’est le pavillon en ferronnerie, installé dans un parc d’un demi-hectare, qui a été rénové. C’est très vraisemblablement le ferronnier Charles Matt qui l’a construit. Il est l’un des deux artisans à avoir racheté à Dubail et son beau-frère Burrus l’immeuble de Porrentruy qui devait héberger ensuite la quincaillerie Blétry, le second nouveau copropriétaire.

Une énigme demeure dans la villa, dont on ne peut soupçonner les bâtisseurs d’accointances révolutionnaires. Jules Dubail était avant tout un entrepreneur, industriel à Delle, initiateur de l’école d’horlogerie de Porrentruy. Car au rez-de-chaussée trône un poêle majestueux dont le principal élément décoratif est une Marianne française... Plutôt un symbole républicain pour celui qui présida durant 35 ans la Société française de bienfaisance de Porrentruy, et qui fut très actif pour aider les familles durant la Grande Guerre.

Isabelle et Florian Froehlich, propriétaires de la Villa Dubail-Burrus

Isabelle et Florian Froehlich, propriétaires de la Villa Dubail-Burrus

© LQJ

Jules Dubail mourra en 1940, à 94 ans, dans sa maison, qu’il a habitée en continu depuis 1887. Il n’y aura qu’une seule famille pour lui succéder avant la rénovation de 1995 due à l’architecte lausannois Daniel Senn.

Les automobiles ont depuis remplacé les calèches de Jules Dubail. Mais qu’elles soient tractées par cheval ou par un moteur, les voitures effectuent toujours le même tour dans le jardin pour quitter la villa. Les écuries d’hier servent aujourd’hui de garages. Et le paddock, qui occupe une bonne partie du parc, sert désormais de terrain de football.

Un panneau destiné au public résume l’histoire de cette maison, l’une des six demeures jurassiennes membres de l’association Domus Antiqua Helvetica.

Le Quotidien Jurassien

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