Parti aux morilles vers Lucelle, il tombe sur un rapace qui n’a plus niché en Suisse depuis 100 ans

L’habitant de Pleigne Pierre-André Grossenbacher est tombé nez à nez avec l’oiseau, qui ramènera les ornithologues jurassiens une quinzaine d’années en arrière.
L’un des clichés du balbuzard, capturé par Pierre-André Grossenbacher samedi matin à proximité du lac de Lucelle.
L’un des clichés du balbuzard, capturé par Pierre-André Grossenbacher samedi matin à proximité du lac de Lucelle.

L’un des clichés du balbuzard, capturé par Pierre-André Grossenbacher samedi matin à proximité du lac de Lucelle.

Antoine Membrez
Antoine Membrez
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C’était vendredi dernier, aux abords du lac de Lucelle. Il est environ 18 h 30, la lumière du jour décroît peu à peu. Pierre-André Grossenbacher rentre de sa sortie à la recherche de morilles.

"Je voulais vite m’arrêter boire un verre au restaurant lorsque j’ai vu un rapace qui prospectait." Photographe amateur et chasseur, cet habitant de Pleigne a l’œil aiguisé aussi bien lorsqu’il regarde à ses pieds qu’en l’air.

Pas une buse…

"Je me suis tout de suite dit que je n’avais jamais vu de buse sur ce lac." Il remarque sa tête blanche, bien plus blanche que le rapace qu’il cite, relativement commun sur le plateau jurassien. Ce qui se passe ensuite achève de dissiper tout doute sur la valeur de sa rencontre. "Il a foncé sur l’eau pour choper un poisson."

"Après trois quarts d’heure d’affût, je l’ai à nouveau aperçu. Il a passé la nuit là."

Voyant la scène, l’homme fonce, lui, dans sa voiture pour y saisir ses jumelles et de quoi immortaliser son sujet. "Des oiseaux qui font ça, chez nous, ça n’existe pas, à part peut-être le cormoran." De rapides recherches sur internet suffisent à consolider son idée, que la station ornithologique suisse lui confirmera par la suite.

…mais un balbuzard

Il s’agit d’un balbuzard, puissant migrateur que quelques attentifs chanceux peuvent observer dans notre pays lors de ses traversées entre le nord et le sud. Redoutable pêcheur aussi, 150 à 180 cm d’envergure, le balbuzard capture ses proies principalement en surface tout en étant capable de plonger totalement sous l’eau et de réapparaître, tête la première, le poisson dans ses serres, pour reprendre son envol.

Il est un amateur des sommets, pas seulement celui de la chaîne alimentaire d’eau douce sur laquelle il trône, mais aussi des pins ou des pylônes qu’il affectionne pour établir son nid.

Pierre-André Grossenbacher décide de revenir sur place le lendemain au petit matin, avec la ferme intention de réaliser de nouveaux clichés. Bingo. "Après trois quarts d’heure d’affût, je l’ai à nouveau aperçu. Il a passé la nuit là."

"Toujours intéressant"

"Cette observation n’a rien d’anormal, mais n’est pas courante non plus et est toujours très intéressante", relève Wendy Strahm, spécialiste de cet oiseau. Cette image ramène surtout furieusement les ornithologues jurassiens une douzaine d’années en arrière. À l’époque, il était envisagé de réintroduire quelques individus en Ajoie en espérant qu’ils nichent sur le territoire helvétique, chose qui ne s’est plus produite depuis plus de 100 ans. L’initiative ne verra jamais le jour, faute de l’accord du canton. "Le balbuzard a pourtant déjà niché dans le Jura", rappelle Wendy Strahm.

Mortalité élevée

Le projet s’est donc fait ailleurs. Une soixantaine de ces oiseaux a été réintroduite dans la région des trois lacs jusqu’à présent, parmi lesquels seuls onze sont revenus en Europe, selon les observations. Wendy Strahm souligne une forte mortalité chez cette espèce dont la migration s’étire sur plus de 4000 km. Une nichée a été observée en Moselle, une autre du côté du Bade-Wurtemberg allemand, mais toujours rien en Suisse. "Malgré tout, nous sommes sur la bonne voie", positive la scientifique.

Elle note enfin que la présence d’un balbuzard est toujours bon signe: "Cela signifie que l’écosystème est en bonne santé et qu’on y trouve de la nourriture."

Le Quotidien Jurassien

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